vendredi 3 juin 2011

Premier témoignage, Victoria, 45 ans

Victoria fut une des premières à accepter de témoigner ... Elle a tout de suite été partante, me faisant, simplement, confiance.
Plusieurs jours après son témoignage, elle revenue, spontanément, vers moi en me disant, si je me bien rappelle ses mots, 'Eh, c'est vraiment bien ton projet', témoigner lui avait donné une certaine sérénité ...
Je trouve toujours surprenant, étonnant le moment où nous oublions le micro, où les gens se livrent ... J'en oublie parfois ce que je fais.
Ce que je ne peux retranscrire à travers ces témoignages, c'est toute l'intimité, la proximité, l'émotion de ce moment, je ne peux que relater quelques mots, quelques sensations de ces témoignages.
En écoutant l'enregistrement de Victoria, j'avais oublié nos éclats de rire, il y eut aussi un long moment où nous avons chuchoté comme si Victoria livrait, divulgait des secrets ...
Ce qui m'a touché dans ce témoignage, c'est sa sincérité et sa douce auto-dérision.
J'ai pu me retrouver, me reconnaître à plusieurs reprises dans son récit, dans sa retenue parfois ...
Je rappelle que la spécificité de ces témoignages est qu'ils sont guidés par l'intuition c'est-à-dire que les personnes rebondissent sur des mots que je leur donne.

Des épinards
Mettre du beurre dans les épinards ... C'est ce que mon compagnon et mes enfants attendent de moi pour le moment ...
Les épinards ne sont pas très goûteux pour le moment ...
Mais c'est quelque chose qui est latent depuis longtemps, il y a toujours eu un soucis vis-à-vis de l'argent.
Quand j'ai connu mon compagnon, c'était l'insouciance ... Nous partions en week-end, au resto ...
Nous avons acheté la maison et à partir de ce moment, ce fut fini ...
Je ne comprenais pas pourquoi nous nous arrêtions d'un coup ...
A partir du moment où nous nous sommes engagés financièrement, j’ai eu l’impression qu’il était devenu angoissé.
Donc, pour les petite attentions, les restos en tête à tête à l’improviste, ce fut fini. Ce qui n’est pas toujours facile, je suis romantique, (pas lui).
J'aime dire des mots doux, faire des surprises, ...
Il l'a fait une seule fois pour fêter son divorce.
Je vois sa mère dans ce comportement : elle est froide, carrée, sans plaisir.
Je pense qu’il n'a pas eu beaucoup de plaisirs d'enfants quand il était petit, ses parents ne lui ont jamais appris et il est assez maladroit à ce niveau.

Bois entremêlés
C'est le symbole de nos vingt années vécues ensemble ... Très beau symbole !
J'ai de temps en temps senti que je m'éloignais de lui et lui de moi, jamais très loin ... jamais très longtemps... Et puis, nous nous retrouvions.
Nous avions, parfois, des discordances au niveau de l'éducation des enfants mais nous nous sommes toujours retrouvés car nous tenons terriblement l'un à l'autre.
Lui a son expérience de son premier mariage où on ne communiquait pas, il ne voulait plus revivre cela.
Moi, j’avais l’expérience de mes parents qui ne se parlaient pas non plus...
Depuis le début, nous sommes partis du principe qu'il fallait communiquer même si nous risquions de blesser l'autre.
Quand nous nous éloignons, c'est comme s'il existait physiquement un froid autour de moi.
Nous avons mal au ventre parce que nous ne sommes pas heureux comme ça puis, nous faisons des tentatives d'approche, nous recommençons à parler ...

La mer
Pendant 17 ans, je suis allée en vacances à la mer du Nord, nous ne sommes qu’une fois parti à l'étranger avec mes parents.
Lors d'un séjour, j'étais petite, j'aimais bien un petit blond, nous jouions dans les dunes à papa et maman, il rentrait du travail, nous faisions semblants, c'était gai .
Mais mon premier amoureux s'appelait Alain. J'étais en troisième maternelle, nous étions toutes amoureuses de lui, c'était la compétition entre nous, il était gentil et attentionné; lui, il subissait plus qu'autre chose.
Après, comme la compétition était forte et que l'exclusivité n'existait pas, la saveur était différente.

Le dé à coudre
Cela me fait penser à Pénélope qui attendait Ulysse.
Oui, j'attendais le prince charmant. J'idéalisais l'amour.
Petite, j'avais une amie qui avait les disques de la Belle au Bois dormant, ..., nous mettions le disque tout en mimant, en dansant, ... et en rêvant...

Profil du prince charmant
Petite, il était blond.
Adolescente, mon type d'hommes, c'était les barbus aux longs cheveux, style Maxime Leforestier.
Je suis sorti avec un type qui avait des longs cheveux mais je ne l'aimais pas. Cela m'est 'tombé' dessus à mes 16 ans.
En fait à l’époque, le profil s'arrêtait d’abord à une description physique, j'avais du mal à me dire comment il pouvait 'être', pour moi, c'était l'inconnu.

Tante
Ma tante formait un couple exemplaire avec mon oncle, ils se sont mariés à 19 ans, ont eu 7 enfants, je pense que personne ne croyait en leur mariage... trop jeunes...
J'allais, souvent, chez eux en vacances.
Ils ne s'énervaient pas, ils étaient justes, intelligents dans leur manière d'éduquer leurs enfants, ils étaient complices.
Vers 55 ans, la maladie d'Alzheimer a été décelée chez ma tante, elle est devenue fort agressive puis elle fut placée et mourut quelques années après ...
Mon oncle a refait sa vie mais je n'ai plus ressenti cette fusion, cette chaleur entre eux, ... Peut-être que maintenant je les vois avec des yeux d’adulte...
Ils ont vécu une très belle histoire d'amour.
Je crois que nous pouvons vivre plusieurs histoires d'amour mais toujours différentes puisque c'est avec quelqu'un d'autre.
Et nous pouvons vivre de très belles histoires d'amour et se séparer ...
Coup de foudre
Moi, j'ai eu le coup de foudre avec mon compagnon, je le connaissais depuis longtemps car il tenait un magasin et mes parents y étaient clients.
Quand je voyais sa femme, je me disais juste qu'ils n'allaient pas ensemble.
Un jour, il a prêté attention à moi, j'étais étudiante en supérieur.
Je suis allée chercher des fournitures dans son magasin, nous avons commencé à discuter.
Quand je suis rentrée chez moi, je tremblais.
Je suis retournée le lendemain prendre des fournitures et il m'a proposé de se voir le samedi soir suivant.
Nous étions rouges tous les deux, je n'avais jamais ressenti cela. Je ne sais pas si lui, l'a vécu comme cela, je ne lui ai jamais demandé. Mais c'est la seule fois où je l'ai vu rougir... L'émotion était forte, bien qu'au départ, pour lui, c'était 'on va voir'.
Quand je suis entrée dans sa voiture ce samedi soir, j'ai regardé ses mains et j'ai vu son alliance.
J'ai dit 'merde' et puis bon ...
Je ne voulais pas casser un couple mais j'étais amoureuse.
Cette situation m'a freiné le lendemain et je me suis dit qu'il fallait tout arrêter, ce serait trop lourd et trop dur pour moi. Je n'y suis pas arrivée ... et heureusement !
Surtout que j'ai appris que leur couple ne fonctionnait plus depuis des années, il restait plus pour son confort et ses enfants.

Pudeur
Adolescente, on m'a souvent dit que j'avais une grosse carapace.
J'avais beaucoup de mal à parler de moi et à dire mes sentiments.
J'étais aussi très méfiante, j'avais peur de souffrir, j'avais eu quelques relations, je savais pourquoi cela n'avait pas marché, j'étouffais la personne, j'avais un tel besoin de contacts, de câlins, ...
Je n'étais pas moi-même, j'étais dépendante ; quand j’ai rencontré mon compagnon, j'ai appris à être moi, je voulais une relation vraie et que l'on m'aime pour ce que je suis.

Confiance
J'avais l'impression que je n'avais rien à perdre, d'être plus forte car j'avais la jeunesse.
J'étais une fierté pour lui. Ca me donnait confiance en moi.
Notre différence d'âge ne m'a jamais gêné.
Au début, il est arrivé que l'on me prenne pour sa fille.
Aujourd'hui, j’aurais sûrement beaucoup à perdre mais ça ne change plus rien à ma confiance.

Douche
Cela me fait penser au rideau de douche dans le film Psychose d'Hitchcock.
J'aime ce côté 'suggestion'.
Si je fais le parallèle avec l'amour, cela me fait penser à la différence entre les films porno et ceux érotiques.
Par rapport à la sensualité, même avec mon frère avec qui j'ai vécu des abus sexuels, j'ai vécu des choses agréables. C'est toute l'ambivalence des abus sexuels ... et tout le malaise...
A la maison de campagne, avec ma cousine, nous écoutions des chansons de Joe Dassin et nous nous faisions des massages du bout des doigts.
C'était bon, c'était entre le massage et le chatouillement.

Sexualité
Mes parents m'avaient acheté un livre 'Petite Abeille va avoir un petit frère'.
J'avais ± 7 ans et la maman expliquait que le papa mettait une petite graine dans le ventre de sa maman.
Je me posais plein de questions auxquelles je n'avais pas de réponse.
J'ai compris les choses très tard en humanités avec les cours d'éducation sexuelle entre autres...
Quelqu'un qui prend par la nuque
Cela me rappelle mes frères qui me faisaient avancer comme cela.
Ce mouvement, je préfère le voir avec mon frère aîné, il me poussait en avant ... Mon plus jeune frère, c'était 'je te tiens'.

Autorisée à vivre des relations amoureuses
A ma communion, j'avais un amoureux. Il me donnait des chocolats, des petits mots, des petites attentions.
C'est peut-être lui mon vrai premier amoureux, même si c'était platonique.
Nous nous envoyions des lettres.
Ma mère l'a appris et m'a dit "Vous ne vous envoyez pas des chinoiseries, j'espère !" J'avais 11 ans...
Si quelqu'un faisait attention à moi, c'était l'élément déclencheur pour moi ....
Vers 17 ans, j'ai rencontré Patrick, il a essayé d'aller plus loin.
Je n'étais pas prête et puis, j'étais romantique, s'il m'aimait, il devait attendre.
Il m'a plaquée, il est parti aux USA pendant un an, et moi, je l'ai attendu sans avoir aucune nouvelle de sa part.
Et quand il est revenu, nous avons fait : 'Ca va ? Oui, ça va !'.
Puis, il y a eu Jean-Denis, c'était un ami et ce fut une erreur. Lui, je l'ai vraiment étouffé. Il s’est enfui... et j'ai perdu un ami...
C'est la première fois où j'ai fait l'amour.
Un soir qu'il était dans ma chambre, ma mère m'a dit : 'Pas de cochonneries, ici !'. J'avais 20 ans ...
Ma mère ne m'a jamais poussé en avant, aidé, elle ne m'a jamais fait de compliments.
Quand j'allais dans ses bras, j'avais l'impression que cela la gênait.
Ma mère s'était mariée avec mon père par intérêt car il venait d'une famille bourgeoise.
Ce qui l'intéressait c'était l'image, le paraître. Je l’ai su bien après.
A la fin, elle voyait mon père comme un rustre. Après leur séparation, elle n'a eu personne d’autres.
J'ai toujours dit que c'était la plus belle des mamans mais ce n'est pas vrai, c'était mon côté 'je t'adore' qui s'exprimait.
C’est marrant mais quand ma fille me le dit, encore aujourd’hui, je prends toujours du recul ... 'Ne me dis pas ça !'
Maman n'était pas jolie, ni même attirante à d'autres niveaux. Elle ne sortait pas. Je voyais mal quelqu'un tomber amoureux d'elle bien que je le désirais sincèrement afin qu’elle ne finisse pas ses jours seule.
Je ne sais pas comment mes parents se sont connus mais ce n'est pas très important pour moi, cela ne m'intéresse pas, ils m'ont tellement peu apporté ...
J'ai l'impression d'avoir peu parlé de l'amour mais de beaucoup d'autres choses ...

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