mercredi 7 septembre 2011

Sophie, 37 ans

C'était un matin de l'été … Autour d'un thé, nous avons parlé de poésie, des hommes et des femmes, de la fragilité des histoires d'amour … Ce sont toujours des moments en quelque sorte 'suspendus' mais cette fois, avec une touche de délicatesse et de sensibilité ...

Paris
C'est le premier week-end que j'ai fait avec mon compagnon ...
C'était il y a 14 ans ...
C'est un bon souvenir plein de douceur et de découvertes ...
J'étais amoureuse et je me sentais bien ...
Nous nous connaissions depuis deux, trois mois.
Durant ce séjour, je me suis dit que c'était une petite perle.
On y est retourné en famille il y a deux ans, c'était, aussi, le premier city trip en famille.
C'est deux fois 'une première' ...
La deuxième fois, nous étions une famille et plus un tout jeune couple.
C'était, en tout cas, à chaque fois un bon moment ...
Peu de temps après ce premier week-end à Paris, nous sommes partis, ensemble, en vacances, en Auvergne faire du camping.
Nous avions la tente, les sacs à dos, ... dans la voiture.
Nous sommes arrivés, nous avons mis la voiture sur un parking et nous sommes allés faire une petite promenade.
En revenant, le coffre de la voiture était fracassé, tout avait été volé sauf la tente.
Je suis entrée dans une colère panique en disant 'Merde, les vacances sont foutues'.
Marc m'a dit : 'Ne t'énerve pas, cela ne vaut pas la peine … On va prendre un papier, faire une liste, ... De quoi as-tu absolument besoin pour tes vacances ? Nous irons les acheter ...'
Je me suis dit que c'est formidable un homme qui réagit comme ça, la vie avec lui doit être géniale.
J'avais un père colérique et vivre dans l'angoisse de la colère était fort stressant.

Arbre
Cela m'évoque le fait qu'à chaque événement familial, ma belle-mère plante un arbre dans son jardin.
Au début, je trouvais cela 'cucu' ... Mais quand tu vois l'arbre pousser, c'est assez sympa.
Le premier qu'elle a planté, c'était à la naissance de mon fils, ..., elle en plante, aussi, pour certains anniversaires.
Elle a un très grand jardin !
Cela fait une espèce d'arbre de vie, de continuité; finalement, c'est un beau symbole.
En amour, il faut avoir de bonnes racines profondes, se nourrir des mêmes choses pour que cela fonctionne tout en se déployant et en ne sachant pas ce que cela va donner, ...
Se laisser de l'espace pour pouvoir trouver chacun son bonheur, pas forcément ensemble.
Pouvoir être bien en fonction de ce que la vie fait de nous, ce qui n'est pas toujours su au départ.
Continuer à grandir comme l'image de l'arbre malgré les tempêtes, ...
Pour qu'une histoire d'amour marche, il faut pouvoir se ressourcer de la même façon, pouvoir partager des lectures, des voyages, des choses qui te nourrissent, t'enrichissent, ...
Dans notre couple, nous aimons le même type de vacances, nature et 'back to the roots', les vacances sont toujours des moments très apaisants ...
Il y a, aussi, tout ce qui est culturel, c'est plus moi qui initie ...
Lui va plutôt choisir les régions que l'on visite ... J'aime bien quand il me fait découvrir une région, quand il m'emmène ...

La poésie
J'aime bien, j'aime beaucoup Paul Eluard.
Il faut de la poésie en amour pour que cela marche, il faut du sous-entendu, jouer avec les mots, les sons, avec les petites choses.
Il y a la poésie, au sens propre, ce que j'aime faire et que mon compagnon ne fait jamais par contre, que les hommes font moins en général ; pourtant, les grands poètes sont des hommes !
C'est bizarre ...
Et les plus grands lecteurs de poésie doivent être des femmes ...
La poésie en amour, ce sont les petits détails, c'est une espèce de façon d'embellir son quotidien par des mots, de petits gestes gentils, ...
Pourtant, c'est quelque chose de très occasionnelle, on ne peut pas dire qu'il y ait de la poésie dans ma vie amoureuse tous les jours.
Et c'est bien comme ça ! S'il y en avait tous les jours, on ne le verrait plus.
C'est, par exemple, un petit mot dans mon sac.
Un quotidien plein de poésie pendant quinze ans, c'est trop beau pour être vrai, si c'était le cas, sans doute que ce serait beau mais cela me semble irréaliste !

J'avais un prof de poésie à l'unif qui avait fait une métaphore en néerlandais qui disait 'De dichter is een koe' (le poète est une vache).
Ce n'est pas très poétique ...
Il avait expliqué le titre de son livre en fin d'année quand tout le monde avait réfléchi sur son titre et que personne n'avait compris ...
La vache se nourrit d'herbe qui est la chose la plus banale qui soit et elle la transforme en lait, quelque chose de nourricier.
'Faire du banal quelque chose de nourricier', je pense que c'est ça la poésie.
En amour aussi, c'est pouvoir dans le quotidien, le banal, mettre une petite touche de profondeur, il faut l'extraire, le mettre en exergue, le sublimer d'une certaine manière.

Ce sont les femmes qui lisent les poèmes alors que ce sont les hommes qui les écrivent ?
Je n'y ai jamais réfléchi; en tous cas, moi, les poètes que je lis ce sont des hommes ...
Je n'ai jamais lu de poèmes de femmes qui m'ont marquée.

Je suis interpellée car j'ai l'impression que ce sont surtout des femmes qui lisent les témoignages ...
J'en discutais avec une amie qui me répondait que si je leur mettais un porno, à ce moment, ils seraient intéressés ...
Moi, je me dis que les hommes doivent être, autant, intéressés par l'amour ...
Se permettent-ils d'être touchés ?
Les hommes ne sont pas touchés par la même chose, pourtant, c'est eux qui l'écrivent.
C'est une forme de littérature qui les touche, je pense que les femmes aiment bien interpréter.
Quand il y a un mot, elles aiment se laisser porter; chez les hommes, j'ai l'impression que cela doit être un peu plus explicite.
Ils préfèrent un roman où ils ne faut pas se laisser divaguer sur chaque mot.
Pour les témoignages sur l'amour, la femme va aimer pouvoir les lire pour après, faire les parallèles avec sa vie à elle.
Prendre cette distance et réfléchir sur sa vie à elle, cela va l'intéresser car elle fera un lien entre ce qui la touche, elle !
Chez les hommes, cette dimension existe moins; dans le même sens, les hommes vont moins voir les psy que les femmes.

La Méditerranée
Je n'y suis jamais allée ...
Où n'es-tu jamais allée en amour ?
La passion.
Pour moi, c'est un amour forcément de courte durée, complètement fou et envahissant, fulgurant, intense et un peu destructeur, aussi.
Mais la passion peut se transformer.

L'Italie
J'aime bien l'Italie ...
C'est la chaleur, l'harmonie, la dolce vita, la bonne bouffe, l'élégance ...
J'y suis allée deux, trois fois, jamais dans un cadre de relations amoureuses.
Mais je flashe pour les Espagnols ... Je ne sais pas pourquoi ...
Si je devais décrire le type d'hommes qui m'attire, je dirais un Espagnol.
Je les trouve beaux, brun ténébreux, assez directs, fiers et chaleureux en même temps ...
J'ai eu un grand amour, quand j'étais jeune, qui était espagnol ...
Ce grand amour, je l'avais rencontré en Allemagne, j'avais 19 ans.
C'était durant un camp linguistique, tu y as toujours de bonnes expériences car tu rencontres les gens, tu les vois pendant trois semaines, tu sais bien qu'après cela, tu ne les verras plus jamais, ils viennent de tous les coins du monde, il y a une espèce d'ambiance propice aux rencontres parce qu'on raconte tous notre vie sans censure.
J'étais tombée follement amoureuse d'un Espagnol qui avait pas mal d'années de plus que moi.
Cela a continué après les vacances et puis, la relation a eu une fin tragique car j'ai appris qu'il faisait partie de l'Opus Dei et ce n'était pas compatible avec mes valeurs.
A ce moment, je suis devenue adulte car j'ai dû prendre une décision : je l'aime vraiment, je le trouve intéressant mais vivre avec quelqu'un qui est contre la contraception, l'avortement et les relations sexuelles avant le mariage, ce n'est fondamentalement pas ce que je pense.
C'était la bonne décision.
Il me disait qu'il ne me demandait pas d'entrer dans l'Opus Dei mais lui y était, appliquait les principes et ne voulait pas que je lui en fasse reproches alors que pour moi, c'était une secte.
J'en ai été mal pendant longtemps ...

Ce qui m'avait attiré en lui, outre qu'il était Espagnol, était son côté intellectuel, c'était un professeur de grec antique qui connaissait Platon par coeur, il était super intéressant, celui-là, il devait lire de la poésie !
J'aimais bien son côté littéraire, je ne l'ai jamais retrouvé après chez un autre homme ...
C'était quelque part très platonique !
La première fois que j'ai vu mon compagnon, c'était à la cafétéria d'un théâtre, il est entré et je me suis dit 'Oh, un bel Espagnol !'.
Quand je l'ai vu, je l'ai trouvé très beau, ce n'était pas un coup de foudre.
C'est moi qui ai fait la premier pas quand j'étais sûre que je ne me ramasserais pas un râteau.
C'est la seule fois où j'ai fait le premier pas d'ailleurs ...
Je savais que si je ne le faisais pas, cela durerait très très longtemps !
Je n'avais pas envie d'attendre.

Situation embarrassante
Je peux te raconter une anecdote rigolote ...
C'était au tout début où je donnais cours, j'avais été dormir chez mon copain de l'époque; dans mon sac de cours, j'avais glissé ma brosse à dents, ...
A un moment, j'ai voulu sortir un classeur de mon sac et ma petite culotte a volé deux mètres plus loin.
J'ai essayé de me rattraper en disant que j'avais perdu mon mouchoir ... Tout le monde avait bien vu que cela ne l'était pas !
C'était très gênant, j'ai essayé de continuer mon cours, je n'ai plus levé les yeux de tout le cours.

Là on touche à ton intimité ...
J'aime bien de parler de mon intimité avec des gens choisis, avec des femmes ou des hommes, c'est très enrichissant.

Intimité ... La famille dans laquelle tu as grandi ...
C'est fort différent entre mon père et ma mère ... Je crois que c'est aussi culturel.
Mon père est assez pudique, il ne se serait jamais baladé nu dans la maison et à la fois, sans que ce soit caché non plus.
Avec mon père, je ne parlais jamais et je ne parle toujours que très rarement de choses intimes.
Ces conversations, je les ai toujours eues avec ma mère.
Avec ma mère, je sais que je peux parler de n'importe quoi sans que ce soit 'étalé'.
Il n'y a jamais eu de tabous et elle initiait, même, des discussions.
Avec le recul, je reconnais que ma mère l'a fait très sainement et d'une façon équilibrée car elle ne disait pas juste 'Tu dois prendre la pilule' . Et quand on voyait un clip à la télé, elle me disait que l'amour, ce n'était pas ça, ...
Adolescente, quand je mettais de gros pulls informes, elle me disait qu'il fallait que je sois féminine, que je n'allais pas 'attirer les mouches avec du vinaigre' ou elle me faisait des compliments, m'encourageait gentiment.

Avec mes enfants, j'ai remarqué que si je réponds à leurs questions au moment où ils la posent et même si ce n'est pas toujours le moment choisi, cela se fait très naturellement.
J'essaye de le faire de la façon la plus naturelle possible, ils prennent ça comme si tu leur parlais des fleurs puis ils passent à autre chose ...

Des assiettes avec des biscuits ou des gâteaux
Cela m'évoque les fêtes de famille chez mes parents et mes beaux-parents ...
Ma mère m'a clairement transmis l'image que les femmes devaient être fortes vis-à-vis de tout, il ne faut pas se laisser faire; mes parents entre eux n'ont pas une relation très harmonieuse même si elle dure depuis 50 ans.
Ils m'ont transmis le fait que je ne veux jamais me marier, je me dis cela depuis que j'ai 10 ans, jamais cette prison !
Pour eux, c'est un peu cela, dans la famille de ma mère, cela ne se fait pas de divorcer.
Dans leur relation, il y a beaucoup de disputes et peu d'harmonie.

Mon père que m'a-t-il transmis ? Quelque part, je me suis toujours mieux entendue avec les hommes qu'avec les femmes ...
Enfant, j'ai eu une relation plus forte avec mon père, même si j'avais une bonne relation avec ma mère.
Je trouve les hommes plus francs, constants, stables, moins compliqués que les femmes, mes meilleurs amis sont des hommes.
Je vois les femmes comme inconstantes, toujours en recherche, elles ne savent pas toujours ce qu'elles veulent, elles ont des relations fort torturées, ...
Les hommes sont plus clairs, par exemple, ils veulent faire carrière et ils le disent.
Entre femmes, il y a plus de jalousie, de non-dits, ...
Je me sens tout à fait femme et compliquée ; parfois, quand je me regarde, je me suffis à moi-même dans le compliqué.
J'ai des amitiés avec des hommes depuis 20 ans et c'est une amitié sans nuages ...
Dans mes amitiés avec les femmes, il y a des périodes où nous sommes proches, d'autres où nous sommes plus lointaines.
Je vois cela, aussi, dans mes relations avec mes enfants, ma relation avec mon fils est beaucoup plus stable que celle avec ma fille où c'est parfois très fusionnelle, puis, parfois pas, etc.
Mon compagnon, lui, c'est la force tranquille, trop peut-être, on manque sans doute de vagues et de creux dans notre couple.
Il paraît que les vagues, c'est bon dans les couples.

Comment la relation de tes parents perdure ?
Je n'ai pas trouvé cela toute seule.
Pour la fête des 50 ans de mariage de mes parents, l'échevine a fait un petit discours et elle disait que la recette d'un mariage qui dure 50 ans, ce n'est pas l'amour mais la tolérance.
Je crois que chez mes parents, c'est ça !
Malgré tout, je pense qu'ils ont toujours eu cette tendresse et cette amitié l'un pour l'autre, le volonté de ne pas vouloir mettre des chaînes, de laisser l'autre suffisamment libre et de voir l'autre heureux.

Mobiliser
C'est ce qui ne faut pas faire en amour, tout mobiliser pour soi !
Il faut laisser de l'espace à l'autre mais ce n'est pas facile.
'Mobiliser', je le mettrais en relation avec le mot 'jalousie'.
C'est vouloir être le centre de l'attention, de l'amour de l'autre, pour ne pas le laisser vivre ou regarder ailleurs.
Je suis quelqu'un d'un peu jaloux, quand mon compagnon regarde les autres femmes, ça m'énerve et en même temps, c'est normal !
Ou je me sens jalouse du temps qu'il passe à son bureau.
Des gens disent qu'ils ne sont absolument pas jaloux, mon compagnon est peu jaloux.

Un homme très ...
Mon compagnon est très gentil et très intelligent.
J'aime les hommes très intelligents, c'est peut-être mon critère numéro 1.
Les gens intelligents, ce sont ceux qui m'ouvrent des portes et qui me font voir les choses d'une manière que je ne voyais pas avant, qui élargissent mon champ de vision ou de perception.
C'est la chose qui fait qu'on ne se lasse jamais d'une personne.

Des trains
On retourne à mon histoire avec mon Espagnol, quand j'ai quitté l'Allemagne en train, j'ai pleuré de Munich à Bruxelles.
A part ça , j'aime bien le voyage en train, s'asseoir, regarder les paysages ... J'aime aussi l'avion ...
Le train, c'est long et paisible, je pense que quelque part cela m'a été transmis par mes parents, une vraie relation d'amour se fait sur l'humour, elle doit te rendre heureux.

J'ai l'impression que toutes les histoires d'amour sont fragiles, c'est quelque chose qui me fait peur, la fragilité des histoires d'amour, pas la fragilité d'une personne en amour.
Cela se casse très souvent et très facilement, pour l'instant, cela m'effraie parce que j'en vois beaucoup autour de moi.
J'essaye de me blinder et de blinder mon couple contre cela mais on ne sait pas ...
Notre fragilité est peut-être dans le beaucoup d'harmonie, un psy a dit que dans un couple, il faut des creux, des vagues, il faut des moments de tension; nous, on ne se dispute jamais et ce n'est pas bon non plus, cela fait trop plat et on se lasse de cela ...
Je crois que j'ai vécu les tensions, les disputes, ... avec mes parents et je me suis dit 'Jamais' !
J'ai sans doute choisi d'une manière consciente quelqu'un avec qui ce ne serait pas comme ça; nos amis me disent parfois que notre relation manque de piquant, oui, peut-être mais comment tu l'amènes 'le piquant' ?
Tu peux prendre les articles des magazines féminins et je peux m'amener en porte-jarretelle, oui d'accord mais ce n'est pas ça du vrai piquant !






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